Les œufs n’augmentent pas le risque cardiovasculaire : la réhabilitation d’un superaliment oublié

Les œufs n’augmentent pas le risque cardiovasculaire : la réhabilitation d’un superaliment oublié

Introduction – L’œuf, ce mal-aimé de l’assiette moderne

Pendant plusieurs décennies, le jaune d’œuf a été désigné comme l’un des ennemis les plus sournois de notre santé cardiovasculaire. Accusé de faire grimper le cholestérol sanguin et d’obstruer silencieusement les artères, il a été relégué au rang de produit à consommer « avec modération », voire à bannir dans les régimes prétendument sains. Or, cette peur des œufs repose sur une simplification hâtive et largement dépassée de la biologie humaine.

Depuis les années 2010, la recherche nutritionnelle a apporté un éclairage plus nuancé, voire renversant, sur le lien entre cholestérol alimentaire et santé cardiovasculaire. Les œufs, loin d’être les déclencheurs d’infarctus tant redoutés, sont en réalité des concentrés de nutriments essentiels dont les effets sur la santé dépendent largement du contexte alimentaire global.

Le mythe du cholestérol alimentaire : une peur née au XXe siècle

L’idée selon laquelle le cholestérol présent dans les aliments, comme celui contenu dans les jaunes d’œufs, élèverait directement le cholestérol sanguin – et par là même le risque cardiovasculaire – s’est popularisée dans les années 1960. Cette hypothèse s’appuyait sur une logique intuitive : si le cholestérol s’accumule dans les artères, mieux vaut éviter d’en manger.

Mais cette corrélation simpliste a été construite à partir d’études observationnelles fragiles, parfois biaisées, et sans prise en compte des multiples mécanismes homéostatiques de l’organisme humain. Très vite, les autorités de santé ont établi des recommandations basées sur ces interprétations : aux États-Unis, par exemple, l’apport maximal en cholestérol alimentaire a été fixé à 300 mg par jour, soit l’équivalent de deux œufs.

Ce n’est qu’à partir du début des années 2000 qu’un corpus d’études plus rigoureuses, fondées sur des essais cliniques randomisés et des méta-analyses, a commencé à éroder cette croyance.

Ce que dit vraiment la science sur les œufs et le cœur

De nombreuses études récentes ont démontré que, pour la majorité des individus, la consommation régulière d’œufs n’augmente ni le cholestérol total, ni le risque d’infarctus ou d’accident vasculaire cérébral.

Une méta-analyse publiée en 2020 dans BMJ, portant sur 33 études et plus de 1,7 million de participants, a conclu qu’il n’existe pas de lien significatif entre la consommation d’œufs et le risque de maladies cardiovasculaires, de maladie coronarienne ou de mortalité toute cause confondue. Chez les personnes en bonne santé, manger jusqu’à un œuf par jour, voire plus, n’est pas associé à une élévation du risque cardiovasculaire.

Les chercheurs observent même que les œufs peuvent avoir un effet neutre, voire bénéfique, sur certains marqueurs lipidiques. Ils augmentent légèrement le HDL (le « bon cholestérol »), ce qui tend à contrebalancer toute élévation du LDL chez les individus dits « hyper-répondeurs ».

Cholestérol alimentaire ≠ cholestérol sanguin

La clé pour comprendre cette dissociation réside dans le fonctionnement interne de notre métabolisme. Le foie est le principal producteur de cholestérol : il en synthétise environ 1 à 2 grammes par jour, bien plus que ce que nous absorbons via l’alimentation. Quand l’apport alimentaire en cholestérol augmente, la production hépatique tend à diminuer, et vice versa. Ce mécanisme de régulation maintient l’équilibre sanguin chez la majorité des individus.

En outre, seulement 20 à 30 % de la population est considérée comme « hyper-répondeuse », c’est-à-dire susceptible de voir leur cholestérol sanguin fluctuer de manière plus notable en réponse au cholestérol alimentaire. Même chez eux, les changements concernent à la fois le LDL et le HDL, maintenant souvent un ratio stable, ce qui est un meilleur indicateur de risque cardiovasculaire que le seul chiffre du cholestérol total.

L’œuf, un aliment fonctionnel et nourrissant

Si l’on écarte la crainte infondée du cholestérol, ce qui reste est un aliment d’une richesse nutritionnelle impressionnante. Un œuf entier de 60 g fournit environ :

– 6 à 7 g de protéines complètes avec un excellent profil en acides aminés

– De la choline, essentielle pour la santé cérébrale et hépatique

– Des vitamines A, D, E, K liposolubles

– Des antioxydants comme la lutéine et la zéaxanthine, protecteurs pour les yeux

– Des acides gras essentiels, notamment dans les œufs issus de poules nourries naturellement

Les œufs s’intègrent donc parfaitement dans des régimes à visée thérapeutique ou métabolique : diète cétogène, paléo, anti-inflammatoire, ou encore dans l’approche TotemDiet, qui valorise les aliments peu transformés et riches en micronutriments.

Et chez les sportifs ? Un exemple éclairant

Il est aussi important de rappeler que certaines catégories de population, comme les athlètes de haut niveau, présentent parfois un profil lipidique « élevé » sans que cela ne traduise un déséquilibre pathologique. L’entraînement intense augmente les besoins en réparation cellulaire, en hormones stéroïdiennes, et peut engendrer une élévation du LDL… tout en maintenant des triglycérides bas et un HDL élevé.

De même, une personne en cétose nutritionnelle verra souvent son LDL monter – ce qui peut inquiéter un médecin non formé à la lecture contextuelle d’un bilan – alors même que ses autres marqueurs (inflammation, insuline, HDL, ratio TG/HDL) indiquent un métabolisme sain.

La consommation d’œufs dans ces contextes n’est pas seulement sûre : elle est souvent bénéfique.

Cas particuliers : les hyper-répondeurs et les maladies génétiques

Il convient malgré tout de nuancer ce propos pour les personnes souffrant d’hypercholestérolémie familiale, une condition génétique rare dans laquelle le cholestérol LDL est élevé dès l’enfance, et indépendamment de l’alimentation. Pour ces patients, la prudence est de mise, même si les œufs en eux-mêmes ne sont pas la cause du problème.

Enfin, certaines personnes très sensibles au cholestérol alimentaire doivent en parler avec leur professionnel de santé, mais ce sont des cas minoritaires.

Conclusion – Le cholestérol ne fait pas tout, et l’œuf mérite sa place

Il est temps de remettre en question nos anciens réflexes nutritionnels à la lumière des données scientifiques actuelles. Les œufs ne sont pas des aliments à éviter, mais bien au contraire des alliés dans la quête d’une alimentation dense, fonctionnelle et respectueuse des besoins du corps humain.

En sortant du réductionnisme qui diabolise un seul marqueur – ici le cholestérol – on retrouve une vision plus holistique de la santé, qui intègre les contextes, les interactions et les mécanismes régulateurs du corps.

Plutôt que de compter les œufs ou de scruter obsessionnellement un chiffre sur une prise de sang, il est plus pertinent d’observer l’ensemble des marqueurs métaboliques, de mesurer l’inflammation, de suivre les signaux du corps et de remettre la qualité des aliments au cœur de la stratégie nutritionnelle.

Et sur ce point, l’œuf n’a pas à rougir. Il est, sans conteste, l’un des meilleurs aliments que la nature nous offre.

 

 

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